Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/329

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Pour le confronter avec Boisé-Lucas fils, détenu à l’Abbaye, on le ramena dans cette prison où il avait été enfermé lors des massacres de Septembre. Elle lui rappelait ces jours sinistres, ses amis égorgés sous ses yeux. Après lui avoir infligé ce châtiment, on le mit hors l’affaire par égard pour ses bienfaits.

L’instruction fut close vers la fin de mars. Le 30 de ce mois, en pleine semaine sainte, les sept accusés comparurent devant la commission militaire qui les attendait. La sentence était dictée d’avance. Les débats ne durèrent que quelques heures. À la fin de l’unique séance qui eut lieu, le jugement fut prononcé : Chateaubriand, Goyon, Boisé-Lucas fils et Quintal condamnés à mort, Boisé-Lucas père renvoyé devant le jury des Côtes-du-Nord, à l’effet d’y être jugé pour recel d’émigrés, Chauvel une année de prison, Depagne six mois. Avant même que cet arrêt eût été rendu, il était prévu. Depuis plusieurs semaines toutes les influences dont disposaient les familles de Goyon et de Chateaubriand s’exerçaient pour obtenir la grâce des coupables. L’auteur du Génie du christianisme alla plaider auprès de Fouché la cause de son cousin. Il n’obtint que cette railleuse réponse :

– Rassurez-vous ; il saura bien mourir.

Il adressa alors une supplique à l’Empereur. Il la lui fit remettre par l’impératrice Joséphine, que Mme  de Rémusat avait intéressée à l’affaire. Napoléon lut la lettre, et sans répondre, la jeta au feu. Il était résolu à ne faire grâce ni à Chateaubriand, ni à Goyon, dont la femme le sollicitait par l’intermédiaire de sa parente la duchesse de Montmorency, ni même au matelot Quintal. Boisé-Lucas fils fut seul épargné, peut-être à cause de sa jeunesse, et sa peine commuée en celle de deux ans de prison. Le 31 mars, vendredi saint, au petit jour, les trois condamnés à mort furent conduits en charrette