Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/355

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

extrême prudence, pour ne pas éveiller les soupçons de Napoléon.

Il y avait alors à Paris un brillant gentilhomme, ancien chouan, ayant servi dans les bandes royalistes comme chef d’état-major de Bourmont à l’armée du Maine. Il se nommait le comte de Malartic. Louis XVIII l’avait fait maréchal de camp. Resté à Paris après le retour de l’Empereur, il se préparait à aller combattre en Bretagne pour le roi quand, à l’improviste, Fouché qui le connaissait l’invita à venir le voir. C’était le 19 mai, au moment où arrivait à Paris la nouvelle de l’insurrection de l’Ouest. En d’autres temps, lors des complots du Consulat, Malartic n’avait eu qu’à se louer des bons procédés de Fouché. Leurs relations étaient restées cordiales. Il n’hésita donc pas à se rendre à son appel.

– Vos amis sont fous ! lui dit le ministre ; qu’espèrent-ils en se soulevant ? Vaincre Bonaparte ? Ils n’y parviendront pas. Ils sont sans argent, sans armes, sans cohésion ; ils sont divisés entre eux par des rivalités qu’un prince du sang royal pourrait seul contenir. J’ai à cet égard des renseignements positifs. Je vous les communiquerai. Dans l’état de détresse où se trouvent les rebelles, ils seront écrasés avant que les hostilités s’engagent aux frontières. Ce sera l’affaire de quelques jours à l’expiration desquels Napoléon pourra rappeler de Vendée les troupes qu’il y a envoyées et les faire passer en Belgique. Pensez-vous que ce soit là de la bonne politique ? Ce n’est pas dans l’Ouest que peut se décider le sort de Napoléon. C’est dans le Nord. Ne serait-il pas plus sage de prévenir l’effusion du sang français, et de conserver au roi, dans la Vendée, des ressources qu’il sera bien aise d’y trouver à son retour et à la France des bras capables de la défendre ?