Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/166

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letant, le souffle de ceux qui viennent de naître, aussi de ceux qui vont mourir…

« Est-ce qu’il est malade ? demande doucement M. le secrétaire au directeur qui s’est rapproché.

— Mais pas le moins du monde… », a répondu l’effronté Pompon, et s’avançant vers le berceau, il fait une risette au petit avec son doigt, redresse l’oreiller, dit d’une voix mâle un peu bourrue de tendresse : « Eh ben ! mon vieux bonhomme ?… » Secoué de sa torpeur, sortant de l’ombre qui l’enveloppe déjà, le petit ouvre les yeux sur ces visages penchés vers lui, les regarde avec une morne indifférence puis, retournant à son rêve qu’il trouve plus beau, crispée ses petites mains ridées et pousse un soupir insaisissable. Mystère ! Qui dira ce qu’il était venu faire dans la vie, celui-là ? Souffrir deux mois, et s’en aller sans avoir rien vu, rien compris, sans qu’on connaisse seulement le son de sa voix.

« Comme il est pâle !… » murmure M. de la Perrière, très pâle lui-même. Le Nabab est livide aussi. Un souffle froid vient de passer. Le directeur prend un air dégagé :

« C’est le reflet… Nous sommes tous verts ici.

— Mais oui… mais oui… fait Jenkins, c’est le reflet de la pièce d’eau… Venez donc voir, monsieur le secrétaire. » Et il l’attire vers la croisée pour lui montrer la grande pièce d’eau où trempent les saules, pendant que madame Polge se dépêche de tirer sur le rêve éternel du petit Valaque les rideaux détendus de sa bercelonnette.

Il faut continuer bien vite la visite de l’établissement pour détruire cette fâcheuse impression.

D’abord on montre à M. de la Perrière une buan-