Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

en tenue d’office, et la main sur le cordon de son tablier : « Que votre Excellence choisisse entre monsieur et moi… » Le duc n’a pas hésité. Des chefs de cabinet on en trouve tant qu’on en veut ; tandis que les bons cuisiniers, on les connaît. Il y en a quatre en tout dans Paris… Je vous compte, mon cher Barreau… Nous avons congédié notre chef de cabinet en lui donnant une préfecture de première classe comme consolation, mais nous avons gardé notre chef de cuisine.

— Ah ! voilà… dit M. Barreau, qui jubilait d’entendre cette histoire… Voilà ce que c’est de servir chez un grand seigneur… Mais les parvenus sont les parvenus, qu’est-ce que vous voulez ?

— Et Jansoulet n’est que ça, ajouta M. Francis en tirant ses manchettes… Un homme qui a été portefaix à Marseille. »

Là-dessus, M. Noël prit la mouche.

« Hé ! là-bas vieux Francis, vous êtes tout de même bien content de l’avoir pour payer vos cuites de bouillotte, le portefaix de la Cannebière… On t’en collera des parvenus comme nous, qui prêtent des millions aux rois et que les grands seigneurs comme Mora ne rougissent pas d’admettre à leur table…

— Oh ! à la campagne, » ricana M. Francis en faisant voir sa vieille dent.

L’autre se leva, tout rouge, il allait se fâcher, mais M. Louis fit signe avec la main qu’il avait quelque chose à dire et M. Noël s’assit tout de suite, mettant comme nous tous son oreille en cornet pour ne rien perdre des augustes paroles.

« C’est vrai, disait le personnage, parlant du bout des lèvres et sirotant son vin à petits coups, c’est vrai que nous avons reçu le Nabab à Grand-bois l’autre se-