Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/218

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arbre, d’un transport aussi coûteux, aussi encombrant que l’obélisque, hissé, mis en place à force d’hommes, d’argent, d’attelages, et qui pendant longtemps avait bouleversé tous les massifs pour l’installation d’un souvenir commémoratif de la visite royale. Au moins, à ce voyage-ci, le sachant en France pour plusieurs mois, peut-être pour toujours, elle espérait avoir son Bernard tout à elle. Et voici qu’il lui arrivait un beau soir, enveloppé de la même gloire triomphante, du même appareil officiel, entouré d’une foule de comtes, de marquis, de beaux messieurs de Paris, remplissant, eux et leurs domestiques, les deux grands breaks qu’elle avait envoyés les attendre à la petite gare de Giffas, de l’autre côté du Rhône.

« Mais, embrassez-moi donc, ma chère maman. Il n’y a pas de honte à serrer bien fort contre son cœur son garçon, qu’on n’a pas vu depuis des années… D’ailleurs, tous ces messieurs sont nos amis… Voici M. le marquis de Monpavon, M. le marquis de Bois-Landry… Ah ! ce n’est plus le temps où je vous amenais pour manger la soupe de fèves avec nous, le petit Cabassu et Bompain Jean-Baptiste… Vous connaissez M. de Géry ?… Avec mon vieux Cardailhac, que je vous présente, voilà la première fournée… Mais il va en arriver d’autres… Préparez-vous à un branle-bas terrible… Nous recevons le bey dans quatre jours.

— Encore le bey !… dit la bonne femme épouvantée. Je croyais qu’il était mort. »

Jansoulet et ses invités ne purent s’empêcher de rire devant cet effarement comique, accentué par l’intonation méridionale.

« Mais c’est un autre, maman… Il y en a toujours des beys… Heureusement, sapristi !… Seulement, n’ayez