Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/347

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Bois un dimanche. Il aimait ainsi que son maître à se faire voir aux Parisiens, à entretenir sa popularité dans tous les publics ; puis, la duchesse ne l’accompagnait jamais ce jour-là et il pouvait tout à son aise faire une halte dans ce petit chalet de Saint-James connu de tout Paris, et dont les lycéens se montraient en chuchotant les tourelles roses découpées entre les arbres. Mais il fallait une folle, une affronteuse comme cette Félicia pour s’afficher ainsi, se perdre de réputation à tout jamais… Un bruit de terrain battu, de buissons frôlés diminué par l’éloignement, quelques herbes courbées qui se redressaient, des branches écartées reprenant leur place, c’était tout ce qui restait de l’apparition.

« Vous avez vu ? » dit Paul le premier.

Elle avait vu, et elle avait compris, malgré sa candeur d’honnêteté, car une rougeur se répandait sur ses traits une de ces hontes ressenties pour les fautes de ceux qu’on aime.

« Pauvre Félicia », dit-elle tout bas, en plaignant non seulement la malheureuse abandonnée qui venait de passer devant eux, mais aussi celui que cette défection devait frapper en plein cœur. La vérité est que Paul de Géry n’avait eu aucune surprise de cette rencontre, qui justifiait des soupçons antérieurs et l’éloignement instinctif éprouvé pour la charmeuse dans leur dîner des jours précédents. Mais il lui sembla doux d’être plaint par Aline, de sentir l’apitoiement de cette voix plus tendre, de ce bras qui s’appuyait davantage. Comme les enfants qui font les malades pour la joie des câlineries maternelles, il laissa la consolatrice s’ingénier autour de son chagrin, lui parler de ses frères, du Nabab, et du prochain voyage à Tunis, un beau pays, disait-on. « Il faudra nous écrire souvent, et de longues