Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/415

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aspects, semble une carte d’échantillon du monde entier. On trouve dans le Marais des rues étroites à vieilles portes brodées, vermiculées, à pignons avançants, à balcons en moucharabiehs qui vous font penser à l’antique Heidelberg. Le faubourg Saint-Honoré dans sa partie large autour de l’église russe aux minarets blancs, aux boules d’or, évoque un quartier de Moscou. Sur Montmartre je sais un coin pittoresque et encombré qui est de l’Alger pur. Des petits hôtels bas et nets, derrière leur entrée à plaque de cuivre et leur jardin particulier, s’alignent en rues anglaises entre Neuilly et les Champs-Élysées, tandis que tout le chevet de Saint-Sulpice, la rue Férou, la rue Cassette, paisibles dans l’ombre des grosses tours, inégalement pavées, aux portes à marteau, semblent détachées d’une ville provinciale et religieuse, Tours ou Orléans par exemple, dans le quartier de la cathédrale et de l’évêché où de grands arbres dépassant les murs se bercent au bruit des cloches et des répons.

C’est là, dans le voisinage du cercle catholique dont il venait d’être nommé président honoraire, qu’habitait maître Le Merquier, avocat, député de Lyon, homme d’affaires de toutes les grandes communautés de France, et que Hemerlingue, par une pensée bien profonde chez ce gros homme, avait chargé des intérêts de sa maison.

En arrivant vers neuf heures devant un ancien hôtel dont le rez-de-chaussée se trouvait occupé par une librairie religieuse endormie dans son odeur de sacristie et de papier grossier à imprimer des miracles, en montant ce large escalier blanchi à la chaux comme celui d’un couvent, Jansoulet se sentit pénétré par cette atmosphère provinciale et catholique où revivaient