Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/417

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raient l’attente, des prêtres du diocèse lyonnais reconnaissables à la forme de leurs chapeaux, puis d’autres gens de mine recueillie et sévère installés devant la grande table en bois noir qui tenait le milieu de la pièce et feuilletant quelques-uns de ces journaux édifiants qui s’impriment sur la colline de Fourvières, l’Écho du Purgatoire, le Rosier de Marie, et donnent en prime aux abonnés d’un an des indulgences pontificales, des rémissions de peines futures. Quelques mots à voix basse, une toux étouffée, le léger susurrement de la prière des bonnes sœurs rappelaient à Jansoulet la sensation confuse et lointaine d’heures d’attente dans un coin de l’église de son village, autour du confessionnal, aux approches des grandes fêtes.

Enfin, son tour vint de passer, et s’il avait pu lui rester encore un doute sur maître Le Merquier, il ne douta plus en voyant ce grand cabinet simple et sévère — un peu plus orné cependant que l’antichambre, — dans lequel l’avocat encadrait l’austérité de ses principes et de sa maigre personne, longue, voûtée, étroite aux épaules, serrée par un éternel habit noir trop court de manches et d’où sortaient deux poignets noirs, carrés et plats, deux bâtons d’encre de Chine hiéroglyphés de grosses veines. Le député clérical avait, dans le teint blafard du Lyonnais moisi entre ses deux rivières, une certaine vie d’expression qu’il devait à son regard double, tantôt étincelant mais impénétrable derrière le verre de ses lunettes, le plus souvent vif, méfiant et noir par-dessus ces mêmes lunettes, et cerné de l’ombre rentrante que donne à l’arcade sourcilière l’œil levé, la tête basse.

Après un accueil presque cordial en comparaison du froid salut que les deux collègues échangeaient à la