Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/106

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professeurs assis au frais dans les violettes comme de simples collégiens… Les tranches de pâté circulent. Les bouchons sautent. Les yeux flambent. On parle beaucoup… Seul, au milieu de l’animation générale, le petit Chose a l’air préoccupé. Tout à coup on le voit rougir… M. le principal vient de se lever, un papier à la main : « Messieurs, on me remet à l’instant même quelques vers que m’adresse un poète anonyme. Il paraît que notre Pindare ordinaire, M. Viot, a un émule cette année. Quoique ces vers soient un peu trop flatteurs pour moi, je vous demande la permission de vous les lire. »

— Oui, oui… lisez !… lisez !…

Et de sa belle voix des distributions, M. le principal commence la lecture…

C’est un compliment assez bien tourné, plein de rimes aimables à l’adresse du principal et de tous ces messieurs. Une fleur pour chacun. La fée aux lunettes elle-même n’est pas oubliée. Le poète l’appelle : « l’ange du réfectoire », ce qui est charmant.

On l’applaudit longuement. Quelques voix demandent l’auteur. Le petit Chose se lève, rouge comme un pépin de grenade, et s’incline avec modestie. Acclamations générales. Le petit Chose devient le héros de la fête. Le principal veut l’embrasser. De vieux professeurs lui serrent la main d’un air entendu. Le régent de seconde lui demande ses vers pour les mettre dans le journal. Le petit Chose est très content, tout cet encens lui monte au cerveau avec les fumées du vin de Limoux. Seulement, et ceci le dégrise un peu, il croit entendre