Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/163

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L’accueil de mon oncle et de ma tante fut très froid. Ma tante me demanda d’un air effrayé si j’avais dîné. Je me hâtai de répondre que oui… La tante respira, elle avait tremblé un instant pour son dîner. Joli le dîner ! des pois chiches et de la morue.

L’oncle Baptiste, lui, me demanda si nous étions en vacances… Je répondis que je quittais l’Université, et que j’allais à Paris rejoindre mon frère Jacques, qui m’avait trouvé une bonne place. J’inventai ce mensonge pour rassurer la pauvre madame Eyssette sur mon avenir et puis aussi pour avoir l’air sérieux aux yeux de mon oncle.

En apprenant que le petit Chose avait une bonne place, la tante Baptiste ouvrit de grands yeux.

— Daniel, dit-elle, il faudra faire venir ta mère à Paris… La pauvre chère femme s’ennuie loin de ses enfants ; et puis, tu comprends ! c’est une charge pour nous, et ton oncle ne peut pas toujours être la vache à lait de la famille.

— Le fait est, dit l’oncle Baptiste, la bouche pleine, que je suis la vache à lait

Cette expression de vache à lait l’avait ravi, et il la répéta plusieurs fois avec la même gravité…

Le dîner fut long, comme entre vieilles gens. Ma mère mangeait peu, m’adressait quelques paroles et me regardait à la dérobée ; ma tante la surveillait.

— Vois ta sœur ! disait-elle à son mari, la joie de