Page:Daudet - Le Roman du chaperon rouge, Lévy, 1862.djvu/29

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Chaperon-Rouge

Quand vous aurez fini, mon cher ?

l’homme de lettres

Je vais finir par t’écraser, si tu ne t’en vas pas au plus vite, serpent maudit.

Chaperon-Rouge

Vous n’êtes pas caressant, savez-vous ? Oh ! je m’en vais, je m’en vais. Laissez-moi vous dire pourtant que ceux auxquels j’ai porté malheur ne se sont jamais plaints ; ils savaient trop bien les heures délicieuses que je leur avais fait passer et tous les bonheurs dont ils m’étaient redevables. Oui, je suis le Chaperon-Rouge, la reine du far niente, la déesse fantaisiste des lazzarones et des poëtes ; je suis votre maîtresse à tous, et tous vous m’avez bâti un temple au fond de votre cœur. Allez, je vous pardonne vos injures, parce que je vous aime et que vous m’aimez… Encore maintenant tu vas me devoir une journée de bonheur, vilain ingrat ! Regarde, le temps est superbe, le bois rempli de fraîcheurs silencieuses ; sur ta tête, la chanson des oiseaux ; à tes pieds, la chanson des rivières. Fermez les yeux à demi, mon doux poète ; posez votre tête sur ce banc de gazon ; laissez-vous aller, laissez-vous aller ; douze heures de rêveries devant vous ; douze belles heures en robes