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LE PHARE DES SANGUINAIRES.

ponds qu’il m’en fallut, du courage… Tenez ! monsieur, encore aujourd’hui, quand je descends ce côté de l’île par une après-midi de grand vent, il me semble que j’ai toujours le mort sur les épaules…

Pauvre vieux Bartoli ! La sueur lui en coulait sur le front, rien que d’y penser.




Nos repas se passaient ainsi à causer longuement : le phare, la mer, des récits de naufrages, des histoires de bandits corses… Puis, le jour tombant, le gardien du premier quart allumait sa petite lampe, prenait sa pipe, sa gourde, un gros Plutarque à tranche rouge, toute la bibliothèque des Sanguinaires, et disparaissait par le fond. Au bout d’un moment, c’était dans tout le phare un fracas de chaînes, de poulies, de gros poids d’horloges qu’on remontait.

Moi, pendant ce temps, j’allais m’asseoir dehors sur la terrasse. Le soleil, déjà très bas, descendait vers l’eau de plus en plus