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LETTRES DE MON MOULIN.

devant tous, comme ferait une drapière.

Dans sa couchette de dentelles, le petit Dauphin, plus blanc que les coussins sur lesquels il est étendu, repose, les yeux fermés. On croit qu’il dort ; mais non ! Le petit Dauphin ne dort pas… Il se retourne vers sa mère, et, voyant qu’elle pleure, il lui dit :

— Madame la reine, pourquoi pleurez-vous ? Est-ce que vous croyez bonnement que je m’en vas mourir ?

La reine veut répondre. Les sanglots l’empêchent de parler.

— Ne pleurez donc pas, madame la reine ; vous oubliez que je suis le Dauphin, et que les Dauphins ne peuvent pas mourir ainsi…

La reine sanglote encore plus fort, et le petit Dauphin commence à s’effrayer.

— Holà, dit-il, je ne veux pas que la mort vienne me prendre, et je saurai bien l’empêcher d’arriver jusqu’ici… Qu’on fasse venir sur l’heure quarante lansquenets très forts pour monter la garde autour de notre lit !… Que cent gros canons veillent nuit et jour, mèche allumée, sous nos fenêtres ! Et