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LETTRES DE MON MOULIN.

Hans ou Zébédé, comme dans Erckmann-Chatrian, et je me consolerai de ne plus écrire en faisant des cornets de tabac avec les œuvres de mes contemporains.

« Voilà tout ce que je demande. Pas grand chose, n’est ce pas ?… Eh bien, c’est le diable pour y arriver… Pourtant les protections ne devraient pas me manquer. J’étais très lancé autrefois. Je dînais chez le maréchal, chez le prince, chez les ministres ; tous ces gens-là voulaient m’avoir parce que je les amusais ou qu’ils avaient peur de moi. À présent, je ne fais plus peur à personne. Ô mes yeux ! mes pauvres yeux ! Et l’on ne m’invite nulle part. C’est si triste une tête d’aveugle à table… Passez-moi le pain, je vous prie… Ah ! les bandits ! ils me l’auront fait payer cher ce malheureux bureau de tabac. Depuis six mois, je me promène dans tous les ministères avec ma pétition. J’arrive le matin, à l’heure où l’on allume les poêles et où l’on fait faire un tour aux chevaux de Son Excellence sur le sable de la cour ; je ne m’en vais qu’à la nuit, quand on apporte les grosses