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LETTRES DE MON MOULIN.

me faisait horreur. J’aurais voulu m’en aller loin, courir, voir des arbres, sentir quelque chose de bon… Quelle haine, grand Dieu ! que de fiel ! quel besoin de baver sur tout, de tout salir ! Ah ! le misérable…

Et j’arpentais ma chambre avec fureur, croyant toujours entendre le ricanement de dégoût qu’il avait eu en me parlant de sa fille.

Tout à coup, près de la chaise où l’aveugle s’était assis, je sentis quelque chose rouler sous mon pied. En me baissant, je reconnus son portefeuille, un gros portefeuille luisant, à coins cassés, qui ne le quitte jamais et qu’il appelle en riant sa poche à venin. Cette poche, dans notre monde, était aussi renommée que les fameux cartons de M. de Girardin. On disait qu’il y avait des choses terribles là dedans… L’occasion se présentait belle pour m’en assurer. Le vieux portefeuille, trop gonflé, s’était crevé en tombant, et tous les papiers avaient roulé sur le tapis ; il me fallut les ramasser l’un après l’autre…

Un paquet de lettres écrites sur du papier