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À MILIANAH.

Décidément, cette chambre est triste. Les grosses araignées du matin, qu’on appelle pensées philosophiques, ont tissé leurs toiles dans tous les coins… Allons dehors.




J’arrive sur la grande place. La musique du 3e de ligne, qu’un peu de pluie n’épouvante pas, vient de se ranger autour de son chef. À une des fenêtres de la division, le général paraît, entouré de ses demoiselles ; sur la place le sous-préfet se promène de long en large au bras du juge de paix. Une demi-douzaine de petits Arabes, à moitié nus, jouent aux billes dans un coin avec des cris féroces. Là-bas, un vieux juif en guenilles vient chercher un rayon de soleil qu’il avait laissé hier à cet endroit et qu’il s’étonne de ne plus trouver… « Une, deux, trois, partez ! » La musique entonne une ancienne mazurka de Talexy, que les orgues de Barbarie jouaient l’hiver dernier sous mes fenêtres. Cette mazurka m’ennuyait autre-