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À MILIANAH.

nombreuse. Une douzaine de chefs sont accroupis, dans leurs beurnouss, tout autour de la salle. Chacun d’eux a près de lui une grande pipe, et une petite tasse de café dans un fin coquetier de filigrane. J’entre, personne ne bouge… De sa place, Sid’Omar envoie à ma rencontre son plus charmant sourire et m’invite de la main à m’asseoir près de lui, sur un grand coussin de soie jaune ; puis, un doigt sur les lèvres, il me fait signe d’écouter.

Voici le cas : — Le caïd des Beni-Zougzougs ayant eu quelque contestation avec un juif de Milianah au sujet d’un lopin de terre, les deux parties sont convenues de porter le différend devant Sid’Omar et de s’en remettre à son jugement. Rendez-vous est pris pour le jour même, les témoins sont convoqués ; tout à coup voilà mon juif qui se ravise, et vient, seul, sans témoins, déclarer qu’il aime mieux s’en rapporter au juge de paix des Français qu’à Sid’Omar… L’affaire en est là à mon arrivée.

Le juif — vieux, barbe terreuse, veste