Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/104

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nouvelle du portefeuille ? Curieux de s’en assurer, Méjean jeta dans la glace un coup d’œil à sa tenue, et, traversant le palier, passa chez madame Roumestan.

Dès l’antichambre, où les valets de pied attendaient, des manteaux de fourrure au bras, se percevait un murmure de voix assourdies par les hauts plafonds, le luxe encombrant des tentures. D’ordinaire, Rosalie recevait dans son petit salon, meublé en jardin d’hiver, de sièges légers, de tables coquettes, avec du jour tamisé entre les feuilles luisantes des plantes vertes contre les croisées. Cela suffisait à son intimité de bourgeoise parisienne, perdue dans l’ombre de son grand homme, désintéressée de toute ambition, et passant, en dehors du petit cercle où sa supériorité était connue, pour une bonne personne sans importance. Mais aujourd’hui les deux pièces de réception étaient remplies, bruissantes ; et il arrivait du monde continuellement, le ban et l’arrière-ban des amis, les connaissances, de ces figures sur lesquelles Rosalie n’aurait pu mettre un nom.

Très simple, dans une robe à reflets violets qui dégageait bien sa taille svelte, l’harmonie élégante de tout son être, elle accueillait chacun avec le sourire égal, un peu fier, l’air refréjon dont parlait jadis tante Portal. Pas le moindre éblouissement de sa nouvelle fortune, un peu de surprise plutôt et d’inquiétude, mais qui ne se trahissaient en rien. Elle s’activait de groupe en groupe, pendant que le jour tombait rapidement dans ce premier étage parisien et que les domestiques apportant des