Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/105

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lampes, allumant les candélabres, le salon prenait sa physionomie des soirs de fête avec ses riches étoffes scintillantes, ses tapis d’Orient aux couleurs de pierreries. « Ah ! monsieur Méjean… » Rosalie se dégagea une minute, vint au-devant de lui, heureuse d’une intimité retrouvée dans la cohue mondaine. Leurs deux natures s’entendaient. Ce Méridional refroidi et cette Parisienne vibrante avaient de semblables façons de juger ou de voir, équilibraient bien les défaillances et les emportements de Numa.

« Je venais m’assurer si la nouvelle était vraie… Maintenant je n’en doute plus… » fit-il en montrant les salons pleins. Elle lui passa la dépêche qu’elle avait reçue de son mari. Et tout bas : « Qu’est-ce que vous en dites ?

— C’est lourd, mais vous serez là.

— Et vous aussi… » dit-elle en lui serrant les mains et le quittant pour répondre à de nouveaux visiteurs. C’est qu’il en venait toujours, et personne ne s’en allait. On attendait le leader, on voulait tenir de sa bouche les détails de la séance, comment d’un coup d’épaule il les avait tous bousculés. Déjà, parmi les nouveaux venus, quelques-uns rapportaient des échos de la Chambre, des bribes de discours. Des mouvements se faisaient autour d’eux, un frémissement d’aise. Les femmes surtout se montraient curieuses, passionnées ; sous les grands chapeaux qui entraient en scène cet hiver-là, leurs jolis visages avaient aux pommettes ce léger feu rose, cette fièvre que l’on voit aux joueuses de Monte-Carlo autour du trente-