Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/111

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route, planté en arrêt, racontant qu’il était arrivé de l’avant-veille. « Seulement, vous savez, j’ai pas pu vénir plus tôt. Quand on débarque comme ça toute une famille dans un pays qu’on connaît pas, c’est difficile de s’estaller.

— Toute une famille ? dit Roumestan, les yeux élargis.

 ! oui, le papa, la sœur… on a fait ce que vous disiez. »

Le prometteur eut un geste de gêne et de dépit, comme chaque fois qu’il se trouvait en face d’une de ces cartes à payer, de ces échéances, prises d’enthousiasme, dans un besoin de parler, de donner, d’être agréable… Mon Dieu ! Il ne demandait pas mieux que de servir ce brave garçon… Il verrait, chercherait le moyen… Mais il était très pressé, ce soir… Des circonstances exceptionnelles… La faveur dont le chef de l’État… Voyant que le paysan ne s’en allait pas : « Entrez par ici… » dit-il vivement, et ils passèrent dans le cabinet.

Pendant qu’assis à son bureau, il lisait et signait en hâte plusieurs lettres, Valmajour regardait la vaste pièce somptueusement tapissée et meublée, la bibliothèque qui en faisait le tour, surmontée de bronzes, de bustes, d’objets d’art, souvenirs de causes glorieuses, le portrait du roi signé de quelques lignes, et il se sentait impressionné par la solennité de l’endroit, la raideur des sièges sculptés, cette quantité de livres, surtout par la présence du domestique, correct, habillé de noir, allant et venant, étalant avec précaution sur les fauteuils des vêtements et du linge frais. Mais là-bas, dans