Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/164

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blondes ; et des profils perdus, de santé pleine, en lignes arrondies de la taille au chignon, ou de fine maigreur, élancés de la ceinture serrée d’une petite boucle brillante au cou long, noué d’un velours. Les éventails, l’aile dépliée, nuancée, pailletée, voltigeaient, papillonnaient sur tout cela, mêlaient des parfums de white rose ou d’opoponax à la faible exhalaison des lilas blancs et des violettes naturelles.

Le malaise des visages se compliquait ici de la perspective de deux heures d’immobilité devant cette estrade où s’étalaient en demi-cercle les choristes en habit noir, en toilettes de mousseline blanche, impassibles comme sous l’appareil photographique, et cet orchestre dissimulé dans les buissons de verdure et de roses que dépassaient les manches des contrebasses pareils à des instruments de torture. Oh ! le supplice de la cangue à musique, elles le connaissaient toutes, il comptait parmi les fatigues de leur hiver et les cruelles corvées mondaines. C’est pourquoi, en cherchant bien, on n’aurait trouvé dans l’immense salle qu’un seul visage satisfait, souriant, celui de madame Roumestan, et non pas ce sourire de danseuse des maîtresses de maison si facilement changé en expression de haineuse fatigue quand il ne se sent plus regardé, mais un visage de femme heureuse, de femme aimée, en train de recommencer la vie. Ô tendresse inépuisable d’un cœur honnête qui n’a battu qu’une fois ! Voilà qu’elle se reprenait à croire en son Numa, si bon, si tendre, depuis quelque temps. C’était comme un retour, l’étreinte de