Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/184

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car Rosalie y avait aussi vécu jusqu’à l’âge de vingt ans.

Elle voyait là, dans une heure charmante de causeries, tous les objets qui avaient fait partie d’elle-même, son lit aux rideaux de cretonne, son pupitre, l’étagère, la bibliothèque où il restait un peu de son enfance aux titres des volumes, à la puérilité de mille riens conservés avec amour. Elle retrouvait ses pensées dans tous les coins de cette chambre de jeune fille, plus coquette et ornée que de son temps un tapis par terre, une veilleuse en corolle au plafond, et de petites tables fragiles, à coudre, à écrire, que l’on rencontrait à chaque pas. Plus d’élégance et moins d’ordre, deux ou trois ouvrages commencés, au dos des chaises, le pupitre resté ouvert avec un envolement de papier à devise. Quand on entrait, il y avait toujours une petite minute de déroute.

— C’est le vent, disait Hortense en éclatant de rire, il sait que je l’adore, il sera venu voir si j’y étais.

— On aura laissé la fenêtre ouverte, répondait Rosalie tranquillement… Comment peux-tu vivre là-dedans ?… Je suis incapable de penser, moi, quand rien n’est en place.

Elle se levait pour remettre droit un cadre accroché au mur, qui gênait son œil aussi juste que son esprit.

— Eh bien ! moi, tout le contraire, ça me monte… Il me semble que je suis en voyage.

Cette différence de natures se retrouvait sur le visage des deux sœurs. Rosalie, régulière, une grande pureté de lignes, des yeux calmes et de