Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/187

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le mari de mes rêves… Au moins, il a de l’imagination, celui-là, des ressources contre la monotonie.

Elle se leva, arpenta la chambre, de cette démarche un peu penchée qui la faisait paraître encore plus grande que sa taille. On ne connaissait pas Bompard. Quelle fierté, quelle dignité d’existence, et logique avec sa folie. « Numa voulait lui donner une place près de lui, il n’a pas voulu. Il a préféré vivre de sa chimère. Et l’on accuse le Midi d’être pratique, industrieux… En voilà un qui fait mentir la légende… tiens ! en ce moment, – il me racontait cela, au bal, l’autre soir, – il fait éclore des œufs d’autruche… Une couveuse artificielle… Il est sûr de gagner des millions… Il est bien plus heureux que s’il les avait… Mais c’est une féerie perpétuelle que cet homme-là ! Qu’on me donne Bompard, je ne veux que Bompard.

— Allons, je ne saurai rien encore aujourd’hui… » pensait la grande sœur qui devinait quelque chose de profond sous ces badinages.

Un dimanche, Rosalie trouva en arrivant madame Le Quesnoy qui l’attendait dans l’antichambre et lui dit d’un ton mystère :

— Il y a quelqu’un au salon… une dame du Midi.

— Tante Portal ?

— Tu vas voir…

Ce n’était pas Mme Portal, mais une pimpante Provençale dont la révérence rustique s’acheva dans un éclat de rire.

— Hortense !

La jupe au ras des souliers plats, le corsage