Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/196

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— J’irai le voir tous les jours…

Alors la pauvre mère avouait, en sanglotant, l’épouvante que lui causait ce voyage avec sa fille. Pendant toute une année, il lui avait fallu courir ainsi les villes d’eaux pour l’enfant qu’ils avaient déjà perdu. Est-ce qu’elle allait recommencer le même pèlerinage, avec le même but affreux en perspective ? L’autre aussi, ça l’avait pris à vingt ans, en pleine santé, en pleine force…

— Oh ! maman, maman… veux-tu te taire…

Et Rosalie la grondait doucement, Hortense n’était pas malade, voyons ; le médecin le disait bien. Ce voyage serait une simple distraction. Arvillard, les Alpes dauphinoises, un pays merveilleux. Elle aurait bien voulu accompagner Hortense à sa place. Malheureusement, elle ne pouvait pas. Des raisons sérieuses…

— Oui, je comprends… ton mari, le ministère…

— Oh ! non, ce n’est pas cela.

Et contre sa mère, dans cette intimité de cœur où elles se trouvaient rarement ensemble : « Écoute, mais pour toi seule, car personne ne le sait, pas même Numa », elle avoua l’espoir encore bien fragile d’un grand bonheur dont elle avait désespéré, qui la rendait folle de joie et de crainte, l’espoir tout nouveau d’un enfant qui allait peut-être venir.