Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/207

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caravansérail des Alpes Dauphinoises, qui chauffe au soleil sur la hauteur ses innombrables persiennes vertes dans la brique rouge, au milieu d’un parc anglais encore en bas âge, taillis, labyrinthe, allées sablées dont il partage la jouissance avec les cinq ou six autres hôtels cossus du pays, La Chevrette, La Laita, Le Bréda, La Planta. Tous ces hôtels à noms savoyards se font une concurrence féroce, s’épient, se surveillent par-dessus les massifs, et c’est à qui mènera le plus de train avec ses cloches, ses pianos, le fouet de ses postillons, les fusées de ses feux d’artifice, à qui ouvrira le plus largement ses fenêtres pour que l’animation, les rires, les chants, les danses fassent dire aux voyageurs de vis-à-vis :

— Comme ils s’amusent là-bas ! Comme il doit y avoir du monde !

Mais c’est dans le Journal des Baigneurs que se livre entre les auberges rivales la bataille la plus chaude, autour de ces listes d’arrivants que la petite feuille donne très exactement deux fois par semaine.

Quelle rage envieuse à la Laita, de la Planta, quand on voit par exemple : Prince et princesse d’Anhalt et leur suite… Alpes Dauphinoises. Tout pâlit devant cette ligne écrasante. Comment répondre ? Et l’on cherche, on s’ingénie ; si vous avez un de, un titre quelconque, on le prodigue, on l’étale. Voici trois fois que la Chevrette nous sert le même inspecteur des forêts sous des espèces différentes, inspecteur, marquis, chevalier des Saints-Maurice et Lazare. Mais les Alpes Dauphinoises ont encore le