Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/224

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exigeant dans ces hôtels de bains toujours secoués par des départs, des arrivées en pleine nuit, les malles qu’on traîne, les grosses bottes, les bâtons ferrés des ascensionnistes, en train de s’équiper dès avant le jour, et les quintes de toux des malades, ces horribles toux déchirantes, ininterrompues, qui tiennent du râle, du sanglot, du chant d’un coq enroué.

Ces nuits blanches, lourdes nuits de juillet que Roumestan passait en insomnies fiévreuses à tourner et retourner dans son lit des pensées importunes, pendant que sonnait clair là-haut le rire coupé de traits et d’appoggiatures de sa voisine, il aurait pu les employer à son discours de Chambéry ; mais il était trop agité, trop furieux, se retenant de monter à l’étage au-dessus pour chasser au bout de ses bottes le jeune homme au ressort, l’Américain et cet infâme lieutenant-juge, déshonneur de la magistrature française aux colonies, pour saisir par le cou, son cou de tourterelle gonflé de roulades, cette méchante petite scélérate en lui disant une bonne fois :

« Aurez-vous bientôt fini de me faire souffrir comme ça ? »

Pour s’apaiser, chasser ces visions, d’autres plus vives, plus douloureuses encore, il rallumait sa bougie, appelait Bompard couché dans la pièce à côté, le confident, l’écho, toujours à l’ordre, et l’on causait de la petite. C’est pour cela qu’il l’avait amené, arraché non sans peine à l’installation de sa couveuse artificielle. Bompard s’en consolait en entretenant de son affaire le père Olivieri qui connaissait