Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/230

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sur son vieux visage un peu de cette gaieté entraînante.

« Oui, c’était Bouchereau qui me racontait ses misères… Il est bien bas, le pauvre !… »

Et Numa, la regardant, se rassurait :

« Cet homme est fou. Ce n’est pas possible, c’est sa mort qu’il promène et diagnostique partout. »

À ce moment, Bompard apparut, marchant très vite, brandissant un journal.

— Quoi donc ? demanda le ministre.

— Grande nouvelle ! Le tambourinaire a débuté…

On entendit Hortense murmurer « Enfin ! » et Numa qui rayonnait :

— Succès, n’est-ce pas ?

— Tu penses !… je n’ai pas lu l’article… Mais trois colonnes en tête du Messager !…

— Encore un que j’ai inventé, dit le ministre qui s’était rassis, les mains à l’entournure du gilet, voyons, lis-nous ça.

Madame Le Quesnoy observant que la cloche du dîner avait sonné, Hortense répliqua vivement que ce n’était que le premier coup ; et la joue sur une main, dans une jolie pose d’attente soucieuse, elle écouta.

« Est-ce à M. le ministre des Beaux-Arts, est-ce au directeur de l’Opéra que le public parisien doit la grotesque mystification dont il a été victime hier soir ?… »

Ils tressaillirent tous, excepté Bompard qui, dans son élan de beau diseur, bercé par le ronron de sa phrase, sans compromettre ce qu’il lisait, les