Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/256

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Il aperçoit Valmajour. « Ah ! c’est vous… » et il saute dessus d’un bond, pendant que par les portes latérales des dos de secrétaires se sauvent épouvantés, emportant des piles de cartons.

« Ah çà, est-ce que vous n’allez pas finir de me persécuter avec votre musique de chien ?… Vous n’avez pas assez d’un four ? Combien vous en faut-il ?… Maintenant vous voilà, me dit-on, sur les murs en costume mi-parti… Et qu’est-ce que c’est que cette blague qu’on vient de m’apporter ?… Ça votre biographie !… Un tissu d’inepties et de mensonges… Vous savez bien que vous n’êtes pas plus prince que moi, que ces parchemins dont on parle n’ont jamais existé que dans votre imagination. »

D’un geste discuteur et brutal il tenait le malheureux par le milieu de sa jaquette, à poignée pleine, et le secouait tout en parlant. D’abord ce skating n’avait pas le sou. Des puffistes. On ne le paierait pas, il en serait pour la honte de ce sale coloriage sur son nom, celui de son protecteur. Les journaux allaient recommencer leurs plaisanteries, Roumestan et Valmajour, le galoubet du ministère… Et se montant au souvenir de ces injures, ses larges joues remuées d’une colère de famille, un accès de la tante Portal, plus effrayant dans le milieu solennel et administratif où les personnalités doivent disparaître devant les situations, il lui criait de toutes ses forces :

« Mais allez-vous-en donc, misérable, allez-vous-en !… On ne veut plus de vous, on en a assez de votre galoubet. »