Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/301

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de santé et de jeunesse sous son déguisement provençal, lut au bas du portrait l’écriture très fine et très ferme : Je crois en vous et je vous aime, – HORTENSE LE QUESNOY. Puis, songeant que le pauvre amoureux l’avait lue aussi et qu’il s’était chargé là d’une triste commission, elle lui serra la main affectueusement :

— Merci…

— Ne me remerciez pas, madame… Oui, c’était dur… Mais, depuis huit jours, je vis avec ça… Je croîs en vous et je vous aime… Par moment, je me figurais que c’était pour moi…

Et tout bas, timidement :

— Comment va-t-elle ?

— Oh ! pas bien… Maman l’emmène dans le Midi… Maintenant, elle veut tout ce qu’on veut… Il y a comme un ressort brisé en elle.

— Changée ?…

Rosalie eut un geste : « Ah !… »

— Au revoir, madame…, fit Méjean très vite, s’éloignant à grands pas. À la porte, il se retourna, et, carrant ses solides épaules sous la tenture à demi-soulevée :

— C’est une vraie chance que je n’aie pas d’imagination… Je serais trop malheureux…

Rosalie rentra dans sa chambre, bien attristée. Elle avait beau s’en défendre, invoquer la jeunesse de sa sœur, les paroles encourageantes de Jarras persistant à ne voir là qu’une crise à franchir, des idées noires lui venaient qui n’allaient plus avec le blanc de fête de sa lavette. Elle se hâta de trier, ranger, enfermer les petites affaires