Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/339

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— Mon Dieu ! C’est donc fini ?… pensa Roumestan, revenu à la réalité de son voyage.

La tante interrompit tout à coup son vocero pour dire froidement, d’un ton dur, au domestique qui oubliait le chauffe-pieds : « Ménicle, la banquette ! » Puis elle reprit sur un diapason de douleur frénétique le détail des vertus de demoiselle Le Quesnoy, demandant à grands cris au ciel et à ses anges pourquoi ils ne l’avaient pas prise à la place de cette enfant, secouant de ses explosions gémissantes le bras de Numa sur lequel elle s’appuyait pour gagner son vieux carrosse à petits pas de procession.

Sous les arbres dépouillés de l’avenue Berchère, dans un tourbillon de branches et d’écorces sèches que jetait le mistral en dure litière à l’illustre voyageur, les chevaux avançaient lentement ; et Ménicle, au tournant où les portefaix avaient l’habitude de dételer, fut obligé de faire claquer son fouet plusieurs fois, tellement ses bêtes semblaient surprises de cette indifférence pour le grand homme. Roumestan, lui, ne songeait qu’à l’horrible nouvelle qu’il venait d’apprendre ; et tenant les deux mains poupines de la tante qui continuait a s’éponger les yeux, il demandait doucement :

— Quand est-ce arrivé ?

— Quoi donc ?

— Quand est-elle morte, la pauvre petite ?

Tante Portal bondit sur ses coussins empilés :

« Morte !… Bou Diou !… Qui t’a dit qu’elle était morte ?… »

Tout de suite elle ajouta avec un grand soupir : «