Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/343

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au grincement de voiles. Comment une voix de terre parviendrait-elle à ces profondeurs muettes, indifférentes ?

Elle essaya pourtant, et la face tournée vers la lumière qui montait, s’échappait au faite du vieux toit, elle pria celui qui s’est plu à se cacher, à s’abriter de nos douleurs et de nos plaintes, celui que les uns adorent de confiance, le front contre terre, que d’autres cherchent éperdus, les bras épars, que d’autres enfin menacent de leur poing en révolte, qu’ils nient pour lui pardonner ses cruautés. Et ce blasphème, cette négation, c’est encore de la prière…

On l’appelait de la maison. Elle accourut, toute frissonnante, arrivée à cette peur anxieuse où le moindre bruit retentit jusqu’au fond de l’être. D’un sourire, la malade l’attira près de son lit, n’ayant plus de force ni de voix comme si elle venait de parler longtemps.

« J’ai une grâce à te demander, ma chérie… Tu sais, cette grâce dernière qu’on accorde au condamné à mort… Pardonne à ton mari. Il a été bien méchant, indigne avec toi, mais sois indulgente, retourne auprès de lui. Fais cela pour moi, ma grande sœur, pour nos parents que ta séparation désole et qui vont avoir besoin qu’on se serre contre eux, qu on les entoure de tendresse. Numa est si vivant, il n’y a que lui pour les remonter un peu… C’est fini, n’est-ce pas, tu pardonnes… »

Rosalie répondit : « Je te le promets… » Que valait ce sacrifice de son orgueil, au prix du malheur irréparable ?… Debout près du lit, elle ferma les