Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/94

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nani… Sa mère en était morte, du mauvais sang qu’elle s’était fait avec la musique du papa… Tout ça, voyez-vous, des métiers de riboteurs qui dérangeaient du travail, coûtaient plus d’argent qu’ils n’en rapportaient.

— Eh bien ! qu’il vienne à Paris, dit Roumestan… Je vous réponds que son tambourin lui en fera gagner, de l’argent…

Devant l’incrédulité de cette innocente, il tâcha de lui expliquer ce que c’était que les caprices de Paris et combien il les payait cher. Il raconta les anciens succès du père Mathurin, le joueur de biniou, dans la Closerie des genêts. Et quelle différence entre le biniou breton, grossier, criard, fait pour mener des rondes d’Esquimaux au bord de la mer Sauvage, et le tambourin de Provence, si svelte, si élégant ! C’est-à-dire que toutes les Parisiennes en perdraient la tête, voudraient danser la farandole… Hortense se montait aussi, disait son mot, pendant que le tambourinaire souriait vaguement et lissait sa moustache brune d’un geste vainqueur de beau Nicolas.

— Mais enfin, qu’est-ce que vous pensez qu’il pourrait gagner tout au juste avec sa musique ? demanda la paysanne.

Roumestan chercha un peu… Il ne pouvait pas dire bien exactement… Dans les cent cinquante à deux cents francs…

— Par mois ? fit le père, enthousiasmé.

— Hé ! non, par jour…

Les trois paysans tressaillirent, puis se regardèrent. D’un autre que de « Moussu Numa », député,