Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/102

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« Hé ! fit le bon saint Pierre, je ne m’y trouve que trop bien dans ce paradis de bénédiction, mais j’y voudrais tous ces pauvres enfant avec moi… ».

Et brusquement pris d’indignation :

« Ah ! les gueux, ah ! Les imbéciles… Non, vois-tu, Joseph, le Seigneur est trop bon pour ces misérables… Et à sa place, je sais bien ce que je ferais.

— Que ferais-tu, mon brave Pierre ?

— Té ! pardi, un grand coup de pied dans la fourmilière et va te promener de l’humanité ! »

Saint Joseph hocha sa vieille barbe… Il le faudrait terriblement fort, tout de même, ce coup de pied qui démolirait la terre…

Passe encore pour les Turcs, les Infidèles, ces peuplades d’Asie qui tombent en pourriture, mais le monde chrétien, c’est calé, c’est solide, bâti par le fils…

— Justement, reprit saint Pierre… Mais ce que le Christ a bâti, le Christ pourrait aussi bien le détruire. Je leur enverrais mon Fils Divin une seconde fois à ces galériens de par là-bas, et cet Antéchrist qui serait le Christ déguisé aurait tôt fait de vous les mettre en bourtouillade ».