Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/229

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Torquebiau et Galoffre lui-même prirent le Révérend chacun par un bras et le forcèrent à se coucher comme tout le monde, au moment où le troisième coup de canon partait du navire, toujours dans la direction du drapeau tarasconnais. Visiblement on en voulait aux couleurs nationales.

Tartarin le comprit ; il comprit aussi que, le drapeau disparu, les obus cesseraient de pleuvoir ; et, de toute la puissance de ses poumons, il mugit :

« Amenez le drapeau, coquin de sort ! »

Aussitôt, tous de crier comme lui :

« Amenez le drapeau !… Amenez donc le drapeau !… »

Mais personne ne l’amenait, ni colons ni miliciens ne se souciant de grimper là-haut pour cette dangereuse besogne. Ce fut encore la fille Alric qui se dévoua.

Elle échela le toit et mit bas le malencontreux pavillon. Alors seulement le steamer cessa de tirer.

Quelques instants, après, deux chaloupes chargées de soldats, dont on voyait de loin étinceler les armes, se détachaient du navire et s’avançaient vers le rivage au rythme des grands avirons des vaisseaux d’État.