Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/238

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Tartarin referma sa fenêtre avec un gros soupir et, tout en mettant son foulard de nuit, un vaste foulard à pois qu’il nouait en serre-tête, il dit à son fidèle secrétaire :

« Quand les autres m’ont renié, cela ne m’a pas trop surpris ni chagriné ; mais cette petite…, vrai ! j’aurais cru qu’elle aurait plus d’attachement. »

Le bon Pascalon essaya de le consoler. Après tout, cette princesse sauvage était un colis bien étrange à ramener à Tarascon, — car finalement on y rentrerait toujours à ce Tarascon, — et quand Tartarin reprendrait son existence d’autrefois, là-bas, sa femme papoua aurait pu le gêner, l’afficher…

« Rappelez-vous, mon bon maître, lorsque vous revîntes d’Algérie, votre cha… chameau, comme vous le trouviez encombrant… »

Tout de suite Pascalon s’interrompit et devint très rouge. Quelle idée d’aller parler de chameau à propos d’une princesse de sang royal ! Et pour réparer ce que cette comparaison avait d’irrévérencieux, il fit remarquer à Tartarin l’analogie de sa situation avec celle de Napoléon prisonnier des Anglais et abandonné par Marie-Louise.