Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/117

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tous deux, déchirés par des pensées qu’ils ne s’avouaient pas, appuyés au balcon, guettant la rentrée de la femme.

— C’est donc bien loin, ce Déchelette ?…

— Mais non, rue de Rome… à deux pas, répondait Jean furieux, et trouvant, lui aussi, que Fanny était bien longue à revenir.

Il essayait de se tranquilliser avec la devise amoureuse de l’ingénieur « pas de lendemain », et la façon méprisante dont il l’avait entendu parler de Sapho, comme d’une ancienne de la vie galante ; mais sa fierté d’amant se révoltait, et il aurait presque souhaité que Déchelette la trouvât encore belle et désirable. Ah ! ce vieux toqué de Césaire avait bien besoin de rouvrir ainsi toutes les plaies.

Enfin le mantelet de Fanny tourna l’angle de la rue. Elle, rentrait, rayonnante :

— C’est fait… j’ai l’argent.

Les huit mille francs étalés devant lui, l’oncle pleurait de joie, voulait faire un reçu, fixer les intérêts, la date du remboursement.

— Inutile, mon oncle… Je n’ai pas prononcé votre nom… C’est à moi qu’on a prêté cet argent,