Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/167

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quelles caresses longues où se vengeaient les contraintes de toute la semaine, cette privation l’un de l’autre qui gardait le désir vivifiant à leur amour.

Les heures passaient, s’embrouillaient ; on ne bougeait plus du lit jusqu’au soir. Rien ne les tentait que là ; nul plaisir, personne à voir, pas même les Hettéma qui, par économie, s’étaient décidés à vivre à la campagne. Le petit déjeuner préparé, à côté d’eux, ils entendaient, anéantis, la rumeur du dimanche parisien pataugeant dans la rue, le sifflet des trains, le roulement des fiacres chargés ; et la pluie en larges gouttes sur le zinc du balcon, avec les battements précipités de leurs poitrines, rythmaient cette absence de la vie, sans notion de l’heure, jusqu’au crépuscule.

Le gaz, qu’on allumait en face, glissait alors un pâle rayon sur la tenture ; il fallait se lever, Fanny devant être rentrée à sept heures. Dans le demi-jour de la chambre, tous ses ennuis, tous ses écœurements lui revenaient plus lourds, plus cruels, en remettant ses bottines encore humides de la course