Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/191

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campés sur la banlieue parisienne, pas un peut-être ne goûta jamais comme celui-là les libertés campagnardes, la joie de s’en aller vêtus de loques, coiffés de chapeaux d’écorce, madame sans corset, monsieur dans des espadrilles ; de porter en sortant de table des croûtes aux canards, des épluchures aux lapins, puis sarcler, ratisser, greffer, arroser.

Oh ! l’arrosage…

Les Hettéma s’y mettaient sitôt que le mari rentré échangeait son costume de bureau contre une veste de Robinson ; après dîner, ils s’y reprenaient encore, et la nuit venue depuis longtemps, dans le noir du petit jardin d’où montait une buée fraîche de terre mouillée, on entendait le grincement de la pompe, les heurts des grands arrosoirs, et d’énormes souffles errant à toutes les plates-bandes avec un ruissellement qui semblait tomber du front des travailleurs dans leurs pommes d’arrosage, puis de temps en temps un cri de triomphe :

— J’en ai mis trente-deux aux pois gourmands !…

— Et moi quatorze aux balsamines !…