Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/214

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déchaîna plus fort leur folie moqueuse, et en passant devant l’homme qui se rangeait pour laisser de la place à la petite charrette, un joli sourire un peu gêné lui demandait grâce et s’étonnait naïvement de trouver au vieux jardinier une figure si douce et si jeune.

Il salua timidement, rougit sans trop savoir de quelle honte ; et l’attelage s’arrêtant en haut de la côte à une croiserie de chemins, avec un ramage de petites voix qui lisaient tout haut les noms du poteau indicateur à demi-effacés par les pluies… Route des Étangs, Chêne du grand veneur, Fausses reposes, Chemin de Vélizy…, Jean se retourna pour voir disparaître dans l’allée verte étoilée de soleil et tapissée de mousse, où les roues filaient sur du velours, ce tourbillon de blonde jeunesse, cette charretée de bonheur aux couleurs du printemps, aux rires en fusées sous les branches.

La trompe d’Hettéma, furieuse, le tira brusquement de son rêve. Ils étaient installés au bord de l’étang, en train de déballer les provisions ; et de loin on voyait reflétées par l’eau claire la nappe blanche sur l’herbe rase,