Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/240

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dans cette tristesse des choses ! Il sentait son cœur défaillir d’avance ; jamais il n’aurait le courage de l’adieu. C’était bien là-dessus qu’elle comptait, l’attendant à cette minute suprême, et jusque-là tranquille, ne parlant de rien, fidèle à sa promesse de ne pas mettre d’entraves à ce départ de tout temps prévu et consenti. Un jour, il rentra avec cette nouvelle :

— Je suis nommé…

— Ah !… et où donc ?…

Elle questionnait, l’air indifférent, mais les lèvres et les yeux décolorés, une telle crispation sur tout le visage qu’il ne la fit pas plus longtemps attendre :

— Non, non… pas encore… J’ai cédé mon tour à Hédouin… ça nous donne au moins six mois.

Ce fut un débordement de larmes, de rires, de baisers fous qui balbutiaient :

— Merci, merci… Quelle bonne vie je vais te faire maintenant !… C’était ça, vois-tu, qui me rendait méchante, cette idée de départ…

Elle allait s’y préparer mieux, s’y résigner petit à petit. Et puis, dans six mois, ce ne serait plus l’automne, avec le contre-coup de ces histoires de mort.