Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/248

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le jour de la consultation, des chuchotements furtifs dans les portes, de tristes regards échangés de chaise à chaise, et qui, ce soir, s’ouvraient animés et bruyants en une longue enfilade lumineuse. Bouchereau lui-même n’avait plus sa physionomie dure, cet œil noir, fouilleur et déconcertant sous ses gros sourcils d’étoupe, mais une expression reposée et paternelle de bonhomme qui consent à ce que l’on s’amuse chez lui.

« Tout à coup elle est venue vers moi et je n’ai plus rien vu… Mon ami, elle s’appelle Irène, elle est jolie, l’air bon, les cheveux de ce brun doré des Anglaises, une bouche d’enfant toujours prête à rire… Oh ! pas ce rire sans gaieté, qui agace chez tant de femmes ; une vraie expansion de jeunesse et de bonheur… Elle est née à Londres ; mais son père était Français et elle n’a pas d’accent du tout, seulement une adorable façon de prononcer certains mots, de dire « unclé » qui chaque fois met une caresse dans les yeux du vieux Bouchereau. Il l’a prise avec lui pour soulager la famille de son frère qui est nombreuse, et remplacer la sœur d’Irène, l’aînée,