Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/270

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pas toujours à la campagne ; autant vivre dans l’arche avec les bestiaux de Noé… Elle avait quelques recommandations à faire à la cuisine, à cause des Hettéma qui venaient dîner ; et pendant qu’il l’attendait dehors, sur le Pavé des Gardes, Jean regardait la petite maison réchauffée de cette lumière douce d’arrière-été, la rue de campagne aux larges dalles moussues, avec cet adieu de nos yeux, étreignant et doué de mémoire, aux endroits que nous allons quitter.

La fenêtre de la salle, grande ouverte, laissait échapper les vocalises du loriot, alternant avec les ordres de Fanny à la femme de service :

— Surtout n’oubliez pas, pour six heures et demie… Vous servirez d’abord la pintade… Ah ! que je vous donne du linge…

Sa voix sonnait, claire, heureuse, parmi des grésillements de cuisine et les petits cris de l’oiseau s’égosillant au soleil. Et lui qui savait que leur ménage n’avait plus que deux heures à vivre, ces préparatifs de fête lui serraient le cœur.

Il eut envie de rentrer, de tout lui dire, là, d’un coup ; mais il eut peur de ses cris,