Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/287

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envie de se quitter, ceux-là. Jean surprend ce regard et, dans l’intimité de la salle pleine de souvenirs, d’habitudes tapies à tous les coins, une torpeur de fatigue, de digestion, de bien-être l’envahit. Fanny qui le surveille a rapproché doucement sa chaise, coulé ses jambes, glissé son bras sous le sien.

— Ecoute, dit-il brusquement… Neuf heures… vite, adieu… Je t’écrirai.

Il est debout, dehors, la rue franchie, tâte dans l’ombre pour ouvrir la barrière du passage. Deux bras l’étreignent à plein corps :

— Embrasse-moi au moins…

Il se sent pris sous le peignoir ouvert où elle est nue, pénétré de cette odeur, de cette chaleur de chair de femme, bouleversé de ce baiser d’adieu qui lui laisse dans la bouche un goût de fièvre et de larmes ; et elle, tout bas, le sentant faible :

— Encore une nuit, plus qu’une…

Un signal sur la voie… C’est le train !…

Comment eut-il la force de se dégager, de bondir jusqu’à la gare dont les fanaux luisaient à travers les branches défeuillées ? Il s’en étonnait encore, tout haletant dans un