Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comptait les trains à la fenêtre de la salle, l’écoutait venir par le Pavé des Gardes… Fallait-il être folle !

Quelquefois rien qu’une ligne : « Il pleut, il fait noir… je suis seule et je te pleure… » Ou bien elle se contentait de mettre sous enveloppe une pauvre fleur toute trempée et raide de frimas, la dernière de leur petit jardin. Mieux que toutes les plaintes, cette fleur ramassée sous la neige, disait l’hiver, la solitude, l’abandon ; il voyait la place, au bout de l’allée, et contre les plates-bandes, une jupe de femme mouillée jusqu’à l’ourlet, allant et revenant dans une solitaire promenade.

Cette pitié qui lui angoissait le cœur le faisait vivre encore avec Fanny, malgré la rupture. Il y songeait, se la figurait à toute heure ; mais par une singulière défaillance de sa mémoire, quoiqu’il n’y eût guère plus de cinq ou six semaines depuis leur séparation, et que les moindres détails de leur intérieur lui fussent encore présents, la cage de La Balue en face d’un coucou en bois gagné à une fête de campagne, jusqu’aux branches du noisetier