Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/159

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d’école de toute une jeune génération de romanciers ?

Des historiens qui font des romans ! Passe encore si c’étaient des romans historiques ; mais des romans comme on n’en a jamais vu, des romans qui ne sont ni du Balzac surmoulé ni du George Sand affadi, du roman tout en tableaux, — voilà bien de nos amateurs d’estampes ! — avec une intrigue à peine indiquée et de grands blancs entre les chapitres, vrais fossés à se casser le cou pour l’imagination du bourgeois lecteur. Ajoutez à cela un style tout neuf roulant l’imprévu, un style d’où tout cliché est banni, et qui, par l’originalité voulue de la phrase et de l’image, interdit toute banalité à la pensée ; et puis, des hardiesses déconcertantes, le perpétuel désaccouplement des mots accoutumés à marcher ensemble comme des bœufs au labour, le besoin de choisir, l’horreur de tout dire, et étonnez-vous, ensuite que les Goncourt ne se soient pas immédiatement imposés à l’admiration de la foule !

L’estime des lettrés, des admirations qui consacrent, de glorieuses amitiés, voilà ce