Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

en politique, mais en homme, disant l’effervescence des esprits, l’exaspération de la rue, l’alternative inévitable d’une prise d’armes ou d’un courageux acte de justice. J’ajoutai que Fonvielle et Noir me semblaient, comme à tous, certainement, incapables d’avoir voulu tuer ou frapper le prince chez lui ; que je les connaissais, Noir surtout, et combien m’était sympathique ce grand garçon inoffensif, presque un enfant encore, étonné lui-même de ses succès parisiens et fier de sa précoce renommée, cherchant à force de travail à conquérir ce qui lui manquait en fait d’instruction première, et dont la plus grande joie était de se faire apprendre par un ami quelque courte citation latine, avec la manière de l’introduire adroitement, à propos de n’importe quoi, dans la conversation, histoire d’étonner, le soir, par cet étalage d’érudition, J.-J. Weiss, alors au Journal de Paris, qui lui enseignait l’orthographe.

Émile Ollivier m’écouta attentivement, l’air pensif et décidé, puis, quand j’eus fini, après un silence, il prononça d’une voix fière