Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/75

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sourde d’un chassepot… Dans le salon on parlait peu. C’est un rude service que celui des avant-postes, et l’on est las quand vient le soir. Puis, ce parfum de bien-être intime, qui monte des théières en tourbillons de fumée blonde, nous avait tous envahis et comme hypnotisés dans les grands fauteuils du tabellion.

Soudain des pas pressés, un bruit de portes, et, l’œil brillant, la parole haletante, un employé du télégraphe tombe au milieu de nous :

« Aux armes ! aux armes ! Le poste de Rueil est attaqué ! »

C’est un poste avancé établi par les francs-tireurs à dix minutes de Nanterre, dans la gare de Rueil, comme qui dirait en Poméranie… En un clin d’œil tout l’état-major est debout, armé, ceinturonné, et dégringole dans la rue pour réunir les compagnies. Pas besoin de trompette pour cela. La première est logée chez le curé ; vite deux coups de pied dans la porte du curé.

« Aux armes !… levez-vous ! »