Page:Daudet - Tartarin sur les Alpes, 1901.djvu/53

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tout à coup pour une chute mortelle. Et les cuisines préparées, le verre enduit d’un poison invisible.

« Prenez garde au kirsch de votre gourde, au lait mousseux que vous apporte le vacher en sabots. Ils ne reculent devant rien, je vous dis.

— Alors, quoi ? Je suis fichu ! » gronde Tartarin ; puis saisissant la main de son compagnon :

« Conseillez-moi, Gonzague. »

Après une minute de réflexion, Bompard lui trace son programme. Partir le lendemain de bonne heure, traverser le lac, le col du Brünig, coucher le soir à Interlaken. Le jour suivant Grindelwald et la petite Scheideck. Le surlendemain, la Jungfrau ! Puis, en route pour Tarascon, sans perdre une heure, sans se retourner.

« Je partirai demain, Gonzague… » fait le héros d’une voix mâle avec un regard d’effroi au mystérieux horizon que recouvre la pleine nuit, au lac qui semble recéler pour lui toutes les trahisons dans son calme glacé de pâles reflets…


VI


le col du brünig. – tartarin tombe aux mains des nihilistes. — disparition d’un ténor italien et d’une corde fabriquée en avignon. — nouveaux exploits du chasseur de casquettes. — pan ! pan !


« Mondez… mondez donc !

— Mais où, qué diable, faut-il que je monte ? tout est plein… Ils ne veulent de moi nulle part… »