Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/280

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le père jourdeuil.

Oh ! c’est trop fort, par exemple, tu n’as pas d’arg… (Se tournant vers Pipette, et lui montrant l’atelier d’un geste emphatique.) Il n’a pas d’argent !

pipette, à demi-voix.

C’est bœuf.

henri.

Père, je te jure.

le père jourdeuil.

Quoi ? que tu n’as pas d’argent… Possible !… mais je te jure bien une chose, moi aussi c’est que lorsque j’avais ton âge et que j’étais riche, – en ce temps-là on avait encore le goût de la bonne peinture, en France ! – si mon père… Comment ! mon père !… si un artiste, un camarade comme Pipette était venu me surprendre au milieu de mon luxe pour me demander quelques misérables cents francs, jamais je n’aurais pu dire : « Non ! » Et si, par hasard, je n’avais pas eu la somme demandée, j’aurais dit à mon père, j’aurais dit au camarade : « Mon cher, tu tombes mal. Je suis moi-même à la côte, mais, tiens ! les bibelots ne manquent pas ici… Prends cette pendule Louis XV qui ne marche pas, ces flambeaux de parade que je n’allume jamais, et fais-toi de la monnaie, mon bonhomme ! »

pipette.

Oh ! la pendule suffirait.

le père jourdeuil.

Voilà ce que j’aurais fait, moi. Il est vrai qu’à ce jeu-là on ne s’enrichit guère et qu’on expose sa