Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/292

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plus… Aussi, je t’en supplie, si tu t’en vas de moi, va-t’en petit à petit, pas tout à la fois… Ne m’emporte pas tout mon paradis d’un seul coup ; autrement, vrai ! je suis capable d’en mourir.

henri, à part.

Est-ce possible, mon Dieu ! (Haut.) Ma mère, ma mère chérie, écoute-moi bien à ton tour : Je ne sais pas pourquoi tu me dis cela ; je ne sais pas pourquoi tu doutes de ton fils. (Élevant la voix.) Mais je te jure, sur ce que j’ai de plus cher et de plus sacré, c’est-à-dire sur toi-même…

madame jourdeuil, regardant la chambre.

Chut ! chut !…

henri.

Je te jure que tu es la grande affection de ma vie, que tu le seras toujours, et que dans tout ce que j’aime en dehors de toi, il n’y a rien, tu m’entends ? rien que je ne sois prêt à sacrifier à ton repos et à ton bonheur…

madame jourdeuil.

Sais-tu que c’est bien beau, ce que tu me dis là !

henri.

Tu ne le crois pas ?

madame jourdeuil.

Si, mais, pour que je le croie mieux, il faut venir me le dire souvent. (Elle lui prend la tête à deux mains, l’embrasse vite.) Adieu !… (Elle court prendre son sac qu’elle a oublié sur le bureau, s’arrête, se baisse et ramasse quelque chose.)